MICHEL FOURNIRET, DES MYSTÈRES À PERPÉTUITÉ.
Il est l’un des rares à avoir écopé de la peine à perpétuité en France. L’ombre de celui que l’on surnomme l’Ogre des Ardennes continue de planer sur une trentaine de meurtres non élucidés et étalés sur deux décennies.
Michel Fourniret est condamné en 2008 à la perpétuité incompressible.
Des crimes, des énigmes et une complice, c’est l’histoire de la vie de Michel Fourniret. Habitant des Ardennes condamné en 2008 à la peine de prison maximale, il est seulement le troisième cas de perpétuité en France. Une barbe grise, des lunettes rondes et les joues amincies, pourtant c’est toujours le même regard froid et avide qui anime le visage de l’homme. Tueur en série effrayant et redouté, Michel Fourniret n’a rien à envier aux criminels effroyables des séries télévisés. Dans le scénario, le caractère ou les actes, on aurait peu de mal à imager le récit de sa carrière criminelle au coeur d’un roman policier. Pourtant, il s’agit bien de la vie réelle, aussi atroce que cela puisse paraître.
QUINZE ANS DE MEURTRES
Né en 1942, il est dit que le père de Michel Fourniret était un soldat allemand et que sa mère le violait lorsqu’il était enfant, sur ses propres mots. Quand il apprend lors de leur nuit de noces que sa première épouse n’est pas vierge, Fourniret éprouve un sentiment de haine et de trahison dont il ne se défera jamais. C’est ici que débute le chemin de l’Ogre des Ardennes. Cette histoire, il la partage avec un complice, sa femme. Ils se rencontrent en 1987, lorsqu’il est encore incarcéré pour agressions sexuelles répétées. Il avoue avoir violé une dizaine de jeunes filles, toutes vierges. Il n’avait jamais tué avant, pourtant ces actes sont déjà abjectes et d’une cruauté sans mesure. En prison, il fait connaissance avec Monique Olivier à travers une petite annonce parue dans le journal. Elle veut se venger de ses ex-maris, lui, demande son aide pour récidiver et violer. Fourniret ne tuera jamais les ex-maris de sa femme qui pourtant l’aide à violer et tuer des dizaines de jeunes filles. Quand les tueurs en série agissent souvent seuls, Michel Fourniret ne peut se passer de sa compagne, l’inspiratrice de ses crimes. Ensembles ils forment un couple abominable, un duo sans pitié qui répète ses actes insatiables avec un mode opératoire toujours différent. Néanmoins, les enlèvements se déroulent toujours dans une camionnette blanche avant de passer à l’acte. Comme une signature.
Un homme froid
En 2003, l’une des jeunes filles capturées par Fourniret s’échappe de son véhicule avant de le dénoncer à la police. C’est le début de la fin. S’en suit une série d’interrogatoires que ne supporte pas Monique Olivier, elle avoue tout. L’Ogre des Ardennes n’a d’autre choix alors que de plaider coupable, ce qu’il fera dans une calme et une précision déconcertante, selon les enquêteurs. Manipulateur, pervers et meurtrier, rien n’arrête Fourniret jusqu’à son départ pour la prison. Quand ils évoquent l’homme, ceux qui l’ont côtoyé racontent un être dangereusement banal, monsieur tout le monde qui cède à ses pulsions sans ne jamais évoquer quelconques remords et regrets. Nantes, Sedan, la Belgique, Auxerre... le plus grand tueur en série de sa décennie ne s’est jamais limité à ses Ardennes locales.
Pendant près de quinze ans, Michel Fourniret a capturé, violé, agressé et tué des dizaines de jeunes filles. Que fait la police ? La justice ? Comment pendant quinze ans le monstre de Sedan a-t-il pu agir sans jamais éveillé les soupçons ? Les autorités font-elles mal leur travail, ou le pervers criminel est-il trop intelligent pour se faire arrêter ? C’est peut-être un peu des deux...
Fourniret, ce joueur d’échec qui gagnait toujours
Une radio, quelques meubles et des centaines de feuilles pour écrire. C’est à cela qu’on peut reconnaître la cellule du détenu 5451 de la prison d’Ensisheim, plus connu sous le nom de Michel Fourniret. Branché toute la journée sur France Culture, l’Ogre des Ardennes ne se lie pas d’amitié avec les autres détenus de la maison centrale alsacienne. Quand il a terminé de juger les résidents de la prison, qu’il considère « inintéressants », il écrit des kilomètres de lignes armé de son crayon. Des histoires, des souvenirs et parfois même des confidences.
Les policiers ont souvent fait appel au tueur dans leurs recherches / AFP
Un coup d'avance
En 2018, Fourniret convie dans sa cellule la juge d’instruction pour une perquisition. Le forestier des Ardennes confie que certains éléments pouvant faire avancer les enquêtes autour des meurtres de Joanna Parrish et Marie- Angèle Domèce se trouvaient dans ses papiers. L’homme de 78 ans continue de malmener la justice française et fait de son âge avancé une excuse. Perd-il vraiment la tête ? Une chose est sûre, il a toujours été un fin manipulateur. Parfois bavard, mais sans jamais donner des éléments concrets de réponse aux enquêteurs. Des indices, des pistes, et surtout un immense brouillard. Dans l’affaire Estelle Mouzin, il n’avouera que 15 ans plus tard qu’il est l’auteur de ce meurtre abominable, sans toutefois confier où se trouve le corps, toujours porté disparu. Alors, perd-il vraiment la tête ? Le psychologue Jean-Luc Ployé est convaincu que pour Michel Fourniret, ses victimes sont des victoires, le résultat d’un « égo surdimensionné. » La compassion ne fait pas partie de ses sentiments, c’est incontestable. Aujourd’hui, celui qui était autrefois joueur d’échecs se réjouit de mener cette grande partie depuis sa cellule, dans laquelle il ne perd jamais son coup d’avance et où sa Dame n’est pas prête de tomber. Un match dans lequel il va jusqu’à sacrifier son fils unique dans la conquête de la gloire. Selim Fourniret n’a jamais connu l’amour d’un père trop occuper à la recherche du mythe de la virginité.
« Il cultive un vrai sentiment de culpabilité »
En 2013, le journaliste et enquêteur Oli Porri Santorro retrouve la trace de Selim Fourniret. Ensembles, ils vont se lier d’amitié avant de piéger le père jusqu’à le rencontrer en prison en 2016. La vie de Selim s’arrête à 14 ans, lorsqu’il apprend les effrois dont sont coupables ses parents. Une vie racontée par celui qui l’accompagne sur tous les plateaux de télévision, Oli Porri Santorro.
Oli Santorro et Selim Fourniret sur le plateau de Balance Ton Post! En 2020.
Quel type de relation Selim entretenait-il avec ses parents ?
C’était une relation normale parce qu’il ne se doutait de rien. Il n’était pas proche de son père. Cette relation paternelle était inexistante. Toutefois, il était très proche de sa mère. C’est d’ailleurs la trahison de sa maman qui l’a le plus blessé. Selim a eu le droit à la double peine : père et mère étaient impliqués dans actes abominables.
Il vit avec son père jusqu’à ses 14 ans, comment réagit-il au moment précis où il découvre la vérité à la télévision ?
Quand il apprend la vérité, sa seule réaction est de vouloir se donner la mort. Il pense au suicide. C’est de la faute de l’Etat belge dont les services sociaux ont oublié de le prendre en charge. Il est mineur et se retrouve seul avec sa chienne pendant que ses deux parents sont incarcérés. Comme Il aime le dire : « si je ne l’ai pas fait, c’est uniquement par lâcheté. » Il considère que s’il avait été courageux, il l’aurait fait.
Quel sentiment éprouve-t-il quand on lui dit qu’il a « servit d’appât » ?
La culpabilité. Surtout qu’au contraire de tout ce que peut dire la presse de masse qui recopie les dépêches de l’AFP (agence France presse), Selim a été l’appât à plusieurs reprises. Il cultive un vrai sentiment de culpabilité. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il a accepté de m’aider à piéger son père pendant quatre ans à travers des lettres, avant de le raconter en prison.
Comment Selim réagit-il lorsque vous entrez en contact avec lui ?
C’était en 2013. Il n’a pas répondu tout de suite, mais il a très bien réagi. Pourtant, je devais être le millième à lui demander une interview. Malgré tout, il a accepté. Mais le lendemain de notre rencontre, il reçoit une lettre de Michel Fourniret dont il n’avait plus de nouvelles depuis dix ans. C’est dingue. Au début il a cru à de la manigance, avant de se dire que c’était le destin, comme une perche tendue. Et c’est ici qu’on a commencé à envoyer des lettres jusqu’à la prison, sous ma dictée.
Reçoit-il des messages de haine ou de soutien parfois ?
Oui. Ça passe essentiellement par moi, qui sert de paratonnerre. En général, c’est 95% de messages de soutien et 5% de textos de menace de mort d’une violence incroyable. La dernière en date, c’était hier, après la diffusions de TPMP (Touche Pas À Mon Poste.)
Comment est sa relation avec sa famille biologique ?
Il a coupé tous les ponts. La seule raison pour laquelle il a repris contact avec son père, c’était pour aider mon enquête. Il n’y a eu qu’une rencontre
en prison, le 16 janvier 2016. Concernant sa mère, il n’y a plus rien. Même si elle sortait de prison, elle ne trouverait personne dehors.
Selim intervient quelques-fois sur des plateaux de télévision, pourquoi ?
L’unique raison, c’est pour m’aider dans mon enquête. On est dans une position où on ne peut pas faire confiance ni à la justice ni à la police, qui ne font pas le boulot. Il y a un vrai problème. Cette affaire cache beaucoup de choses bizarres. D’autre part, Selim a de l’affection pour les victimes de son père, c’est pour cela qu’il milite contre le téléfilm La Traque de TF1, qui est complètement fictif et basé sur un roman imaginaire. C’est du divertissement.
Aujourd’hui, quelle est la relation que Michel Fourniret souhaite entretenir avec son fils ?
Il n’y a plus aucune relation. Même avant d’être incarcéré, il n’y avait pas d’amour paternel.
Quel est le sentiment qui anime Selim lorsqu’il pense à « Fourniret » ?
Il a vraiment atteint de l’apathie, totale. Pour lui, ses parents sont morts.
S’il devait retenir, malgré tout, un souvenir positif de son enfance ?
En vérité, on peut dire que Selim n’a pas eu d’enfance. Il a tiré un trait sur tous ses souvenirs d’enfant. C’est comme si le réel n’avait jamais eu lieu. D’ailleurs « Selim Fourniret » est mort pour lui. Il a changé de nom, de prénom et vit à l’étranger, là où les gens ne connaissent rien de cette affaire.
Par Souheïl Khairi & Thomas Gagnepain.
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